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Axelle Ferriere*, Philipp Grübener, Gaston Navarro et Oliko Vardishvili

L’augmentation des inégalités a contribué à relancer le débat sur les politiques redistributives. Dans ce domaine, les deux outils essentiels à disposition des États sont les transferts sociaux et l’impôt progressif sur le revenu. Les transferts sociaux ciblés augmentent le revenu disponible des ménages les plus pauvres et sont peu à peu supprimés à mesure que le niveau de revenu augmente. A l’opposé, l’impôt progressif sur le revenu fait peser une charge fiscale plus élevée sur les ménages à haut revenu. Ainsi, les deux politiques peuvent modifier de manière significative la répartition des revenus, et il est important que ces outils soient utilisés de manière optimale. Une question qui revient régulièrement dans les débats est de savoir si les transferts sociaux devraient être plus généreux et, si oui, s’ils devraient être financés par un impôt plus progressif.

Dans cet article, Axelle Ferriere, Philipp Grübener, Gaston Navarro et Oliko Vardishvili se penchent sur la conception conjointe optimale des transferts sociaux ciblés et de l’impôt progressif sur le revenu. Ils procèdent en deux étapes. Tout d’abord, ils développent un modèle analytique simple pour comprendre le lien entre les transferts sociaux et la progressivité de l’impôt sur le revenu. Dans un deuxième temps, ils calibrent un modèle complet et dynamique de l’économie américaine et l’utilisent pour quantifier les résultats analytiques.

Les auteurs construisent dans un premier temps un modèle analytique flexible, dans lequel les ménages ont des revenus du travail inégaux et le gouvernement utilise un impôt sur le revenu progressif et des transferts sociaux. Dans ce cadre, ils démontrent une relation négative entre les transferts sociaux et l’impôt progressif sur le revenu, en raison de considérations d’efficacité et de redistribution. La progressivité de l’impôt et les transferts sociaux ont tous deux un effet désincitatif sur l’offre d’emploi. Ainsi, les pouvoirs publics financeront des transferts sociaux plus élevés en diminuant la progressivité de l’impôt, afin d’encourager l’offre d’emploi et accroître l’efficacité. En ce qui concerne la redistribution, les pouvoirs publics visent à réduire les inégalités. La progressivité de l’impôt et les transferts sociaux contribuent tous deux à réduire les inégalités. Ainsi, plus l’impôt est progressif, plus les inégalités sont faibles, et moins les transferts sociaux sont bénéfiques. Par conséquent, si un gouvernement choisit de mettre en place des transferts sociaux plus élevés, il doit les financer à l’aide d’impôts sur le revenu plus élevés, mais moins progressifs.

Les auteurs étudient ensuite le montant optimal des transferts sociaux ciblés dans un modèle quantitatif de marché incomplet, calibré pour reproduire les inégalités observées aux États-Unis. Ils constatent que le système optimal d’imposition et de transferts sociaux est significativement plus redistributif que le système actuel. Le transfert optimal est de 26 100 $ (en dollars américains de 2013) par an pour les ménages aux plus faibles revenus, et il diminue lentement avec les revenus — un ménage à revenu médian recevra encore 7 400 $. Tout comme le révèle le modèle simple, ces larges transferts sociaux sont financés de manière optimale par une progressivité de l’impôt sur le revenu modérée, comparable à la progressivité du système américain actuel. Pour procéder à une redistribution efficace, le taux moyen d’imposition, incluant les impôts et les transferts, doit être plus progressif que le taux marginal. Les transferts sociaux sont essentiels car ils permettent justement de dissocier le taux moyen du taux marginal.

Enfin, les auteurs explorent la manière dont la relation négative entre transfers sociaux et progressivité change avec la distribution des revenus. Quantitativement, moins les revenus sont concentrés vers le haut, plus la progressivité de l’impôt sur le revenu est faible pour un montant de transfert donné. En revanche, une concentration élevée de hauts revenus n’a que peu d’effet sur le niveau optimal des transferts. A l’inverse, lorsque les ménages à plus faibles revenus sont plus aisés, la progressivité de l’impôt sur le revenu reste inchangée pour chaque transfert, mais le niveau optimal des transferts diminue, ce qui entraîne également une progressivité de l’impôt plus large.

Références
Titre original de l’article : “Larger transfers financed with more progressive taxes ? On the optimal design of taxes and transfers”
Publié dans : PSE Working Paper N°2021-66, CEPR Discussion Paper N°16781
Disponible via : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03466762/document

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* Chercheur PSE

Crédits visuel : Shutterstock – mozakim