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Masashige Hamano et Francesco Pappadà*

Maurice Obstfeld a récemment réexaminé l’ouvrage de Harry G. Johnson paru en 1969 et intitulé “The Case for Flexible Exchange Rates” (Pour des taux de change flottants) en passant au crible les dernières critiques universitaires en matière de flexibilité des taux de change (1). Il en conclut qu’aucun des arguments avancés contre la flexibilité des taux de change n’est recevable. Pourtant, certains décideurs publics ont récemment instauré des politiques de taux de change visant à restreindre les fluctuations du cours des devises, comme l’ont montré Ilzetzki et al. (2019) (2).

Une politique de maîtrise des taux de change permet de protéger les secteurs exportateurs et leurs salariés des chocs économiques externes. L’évolution des cours des monnaies peut, en effet, déclencher des cycles haussiers ou baissiers dans les secteurs d’exportation, rendant ainsi plus incertaines les perspectives d’embauche des entreprises exportatrices. L’intérêt de limiter ces fluctuations n’est donc plus à démontrer. Dans cet article, Masashige Hamano et Francesco Pappadà étudient les arbitrages en matière de politique de taux de change en s’appuyant sur un cadre d’analyse maniable dans lequel les entreprises réagissent aux chocs de demande avec des marchés financiers incomplets.

Les auteurs soulignent le rôle de l’hétérogénéité des entreprises et des rigidités nominales sur les arbitrages en matière de politique de taux de change Dans leur modèle, les chocs externes de demande génèrent des fluctuations dans les taux de change nominaux, ce qui impose aux entreprises d’adapter leurs stratégies. Lorsque les entreprises sont, en moyenne, de petite taille et homogènes sur le plan de la productivité, les aléas de la demande externe peuvent avoir pour effet d’inciter une plus grande partie d’entre elles à entrer ou sortir du marché d’exportation. Dans des conditions de rigidité des salaires, des fluctuations plus amples de la demande externe se traduisent par des taux de marges salariales (wage markup) plus élevés. Dans ce contexte, une politique optimale en matière de taux de change répond aux chocs externes en réduisant les fluctuations des taux de change nominaux et l’incertitude sur le marché des exportations. Les résultats de l’étude permettent de penser qu’encadrer les taux de change a un effet salutaire lorsque les entreprises sont assez homogènes, c’est-à-dire qu’elles subissent, pour la plupart, les fluctuations de la demande externe. A contrario, lorsque les entreprises sont, en moyenne, de plus grande taille et qu’elles présentent une hétérogénéité plus importante, les avantages découlant de fluctuations écrêtées des taux de change ne suffisent pas à compenser les coûts liés aux taux de marges salariales plus élevés des entreprises domestiques. La politique monétaire optimale est, dans ce cas de figure, moins sensible aux chocs de demande externe et davantage permissive face aux fluctuations naturelles des cours des devises.

Les auteurs rappellent que les arbitrages en matière de politique de taux de change ont pour origine le caractère incomplet des marchés financiers qui entraîne des distorsions dans l’allocation économique en présence de prix flexibles. Ainsi, des taux de change flexibles peuvent se révéler peu pertinents. Par ailleurs, des taux de change fixes peuvent accroitre le bien-être, du fait de l’augmentation de la corrélation entre les chocs de demande et la production d’une marchandise donnée qu’ils permettent. Ainsi, un taux de change fixe peut concourir à atteindre l’allocation économique souhaitée à l’optimum.

Pour conclure, cet article montre que le degré d’hétérogénéité des entreprises détermine les les effets en termes de bien-être induits par différentes politiques de taux de change. Notons que cette conclusion permet de dégager des arguments en faveur de la maitrise des fluctuations des taux de change. En effet, lorsque les entreprises sont homogènes, cette politique peut être préférable à des taux flottants, car elle permet de limiter les effets de ces fluctuations et des incertitudes qu’elles génèrent sur les entreprises exportatrices.

(1) Obstfeld, Maurice, “Harry Johnson’s “case for flexible exchange rates” – 50 years later,” Working Paper Series WP20-12, Peterson Institute for International Economics, July 2020.
(2) Ilzetzki, Ethan, Carmen M Reinhart, and Kenneth S Rogoff, “Exchange Arrangements Entering the Twenty-First Century : Which Anchor will Hold ?”, The Quarterly Journal of Economics, 2019, 134 (2), 599–646.

Références
Titre original de l’article : Exchange rate policy and firm dynamics
Publié dans : Working Papers 2018, Waseda University, Faculty of Political Science and Economics, 2021. R&R at IMF Economic Review.
Disponible via : https://sites.google.com/site/francescopappada/external-imbalances-and-exchange-rate-regimes

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* Chercheur PSE

Crédits visuel : Shutterstock – PhotoRK